samedi 29 janvier 2011

Dal35 : RAPPORT MORAL (AG statutaire du 19/01/2011)


CRÉATION DU DAL 35
Le Dal 35 a été officiellement créé le 26 octobre 2009. L’association fait partie de la fédération nationale de « Droit au Logement ». Elle reconnaît et s’appuie sur les valeurs et principes définis par la Charte du Dal.
Les premières actions ont été faites au nom du collectif DAL35 avant la création officielle par le dépôt des statuts à la préfecture du DAL35.
La création du DAL 35 est liée à la situation spécifique des demandeurs d’asile à Rennes privés d’hébergement suite à la régionalisation du traitement des dossiers de demande d’asile et aux refus réitérés de la préfecture de respecter ses obligations en termes d’hébergement. Cette situation est directement liée à la diminution des fonds budgétés par l'État et à la suppression de 3 sur 4 des plates-formes d'accueil des étrangers en Bretagne depuis 2006. Seule subsiste la plate-forme de Rennes.
Le maire de Rennes lui-même a convenu sur son blog : « ...force est de constater la diminution des places d'hébergement d'urgence disponibles dans le département (400 places en 2008 / 130 en 2009), en même temps que Rennes devient unique plate forme régionale d'accueil »
Selon  les statistiques officielles de l’OFPRA, on peut constater qu’en France, le nombre de demandeurs d’asile, a diminué fortement entre 2004 et 2008, et a connu une petite augmentation entre 2008 et 2009. Le nombre de demandes (première demande et réexamen cumulés) étaient de 57 616 en 2004 et 34 258 en 2009, soit 40% en moins si on compare les chiffres de 2004 et 2009. Sur Rennes, les chiffres fluctuent d’une année sur l’autre, mais on ne peut pas parler d’un afflux massif. En 2004, les demandeurs d’asile étaient 933 en 2004, 476 en 2007 et 735 en 2009.
Durant l’année 2009, la situation liée à la politique de l’immigration n’a fait que se détériorer.
Le service d’accueil et d’orientation spécifique aux demandeurs d’asile a disparu au cours de l’année 2009 et les très nombreux demandeurs privés d’hébergements ont dû s’adresser au 115, numéro d’appel prévu à l’origine pour orienter les personnes en grande précarité sociale vers des hébergements d’urgence. Bien entendu, ce service largement saturé ne peut gérer la pénurie organisée, ce qui entraîne des conditions inhumaines de traitement des demandes, tout à fait scandaleuses au regard de la dignité des personnes.
En moyenne, selon les sources officielles et affirmations d’élus, 200 à 300 personnes se sont retrouvées à la rue pendant plusieurs mois, dont 150 vivaient sur les réquisitions du Dal35.
Rappel historique
Le DAL35 a été fondé à la suite d’actions menées par le Collectif de Soutien aux Personnes Sans Papiers de Rennes qui s'était mobilisé durant plus d'une année pour dénoncer la carence de l'État refusant de fait l'hébergement à ceux et celles qui y ont droit selon la circulaire Rocard du19 décembre 1991.
L’association DAL35 est née également d'une nécessaire protection des militants contre toute poursuite individuelle. La fédération DAL à laquelle le DAL35 s'est affilié assure une aide juridique, voire judiciaire.
Au cours de l’année 2009 s’est également constitué le réseau logement 35 nommé « un logement pour tous et toutes » pour réfléchir entre autres à la création d'un DAL et à ses modalités de mise en œuvre. Le réseau logement 35 est constitué de plusieurs organisations (associations, syndicats, partis) et d'individus qui ont pour objectif l'information et la sensibilisation sur la question du logement
Les actions mises en œuvre sont présentées dans le rapport d’activité détaillé.
Tous les courriers et informations sont sur le BLOG http://dal35.blogspot.com/
Pour rappel, quelques extraits du Préambule de la Charte:
« Le droit au logement établi dans les conventions internationales ratifiées par la France et le préambule de la Loi du 31 Mai 1990 pour le logement des plus défavorisés ne sont toujours pas concrétisés dans les faits en France et dans la majorité des pays industrialisés.
Bien que non formellement inscrit dans la constitution Française, le droit au logement est un droit fondamental, constitutif d'un véritable droit constitutionnel.
Une crise du logement, aggravée par la crise de l'emploi et la crise du lien social, produit l'exclusion massive de millions de foyers, en particulier dans les centres des grandes villes du fait de la rénovation urbaine, de la disparition de l'habitat populaire accessible aux bas revenus, des politiques sélectives d'accès au logement social et du désengagement financier de l'État dans ce domaine.
Paradoxalement, la France n'a jamais eu dans son histoire autant de logements inoccupés, autant de richesses et autant de capacités à construire des logements de bonne qualité.
Des lois prévues dans les cas de crise du logement restent inappliquées malgré l'urgence de la situation, en particulier la Loi de Réquisition sur les logements vacants »…
A Rennes Métropole, ce sont 8900 logements qui sont vacants selon l’INSEE, en 2010. S’il faut prendre ces chiffres avec précaution car la définition de logements vacants recouvre des situations très différentes (logement en attente d’être vendu par ex), nous pouvons affirmer néanmoins que de nombreux logements ou bâtiments publics demeurent vides pendant des mois, voire des années.

LES OBJECTIFS ET LES MODALITES D’ACTION DU DAL 35
Les  principaux objectifs du DAL sont les suivants :
- Unir et organiser les familles et les individus mal-logés ou concernés par le problème du logement, pour la défense du droit à un logement décent pour tous.
- Exiger l'arrêt des expulsions sans relogement.
- Exiger le relogement décent et adapté de toute famille et personne mal-logées ou sans-logis.
- Exiger l'application de la Loi de Réquisition sur les immeubles et logements vacants appartenant aux collectivités locales, à des administrations, à l'État, à des banques, à des compagnies d'assurance, à de gros propriétaires, à des professionnels de l'immobilier.
- Plus généralement initier et organiser le soutien, l'information, la promotion d'actions ayant pour but de remédier au problème des mal-logés et sans-logis, notamment par des propositions visant à améliorer la législation sur le logement.
Nos démarches se sont appuyées au départ sur les moyens de pression habituels :
Nous avons tout d’abord multiplié les sollicitations et démarches auprès des élus et des pouvoirs publics pour obtenir un logement pour tous: chaque mois depuis septembre 2009, nous avons réclamé au conseil municipal l’application de la loi de réquisition. Celui-ci nous a toujours systématiquement opposé sa non compétence en matière d’hébergement pour les demandeurs d’asile, et d’autre part nous nous sommes heurtés au silence cynique de la préfecture.
Afin de rendre visible le manque d’hébergement pour les migrants et pousser la mairie à agir, cela fait maintenant 16 mois que tous les mercredis matin nous présentons à l’élu (e) de service les demandeurs d’asile à la rue. Au dernier trimestre 2010, entre 40 et 80 personnes se sont présentées chaque semaine. Nous pouvons regretter que souvent les personnes aient dû attendre sous la pluie ou dans le froid. Chaque mercredi, un fax a été envoyé à la préfecture avec le nom des personnes en quête d'un logement qui se sont déplacées.
Nous avons organisé des manifestations avec la mobilisation des personnes concernées, multiplié les demandes de rendez-vous avec les élus, et représentants de l'État, dénoncé la situation avec l’appui de différents médias, développé l’information pour sensibiliser les citoyens au moyen de réunions, tracts et blog.


Il y avait urgence à appeler à réquisition ! La mairie par son droit à exiger une telle réquisition était le principal interlocuteur capable d’exercer avec nous une pression forte contre la préfecture. Elle s'y est toujours refusée. Finalement acculée par la pression médiatique menée pendant plus de trois mois, en décembre 2010, elle usera enfin de son droit à exiger une réquisition de logements. Sans elle, le relogement des Demandeurs d'Asile de la réquisition de la rue Postel n'aurait pu avoir lieu.
Enfin, nous avons dû procéder à des occupations puis à des réquisitions, faute d’obtenir les résultats escomptés par les moyens habituels de pression.
Ces actions d’occupations et de réquisitions étaient les réponses à une urgence supérieure: celle de loger des personnes à la rue.
Le Dal35 a anticipé l’application de la loi sur la réquisition de logements vacants en réquisitionnant des logements inoccupés. Ce faisant, il a contraint la Mairie à demander à la Préfecture les réquisitions nécessaires.
Lors de ces actions, nous avons toujours respecté, comme le prône la Charte du DAL, la non violence et agi dans l’intérêt des familles.
En effet, lors des occupations, l’action collective impliquait la participation des familles et des personnes demandeuses d’asile. Lors des évacuations par les forces de police, nous n’avons jamais opposé la moindre résistance. Les forces de police nationale et municipale ont toujours reconnu notre non-violence et notre respect des règles.
La réquisition implique encore davantage la participation des familles et des personnes parce que ce sont ces personnes qui font l'objet d'un référé d'expulsion auprès du tribunal d'instance mais aussi parce que ce sont ces personnes qui ont à gérer les réquisitions. Malgré les obstacles liés à la langue et à la cohabitation, une bonne organisation et une absence de problèmes majeurs ont été constatées.
Une réquisition est illégale au regard du droit de la propriété. Elle est légitime parce qu’elle est conduite en faveur de demandeurs d’asile à la rue. L’Etat a l’obligation de les loger. C’est lui qui est l’auteur de la première illégalité.
On peut considérer que la réquisition de logements vides constitue un acte de désobéissance à la loi. Un citoyen responsable doit considérer qu’en certaines circonstances, la nécessité de désobéissance à la loi vient de l’urgence à agir : quand la dignité de l’homme est menacée, quand les libertés fondamentales sont bafouées, quand l'État lui-même ne respecte pas ses obligations, quand l’inacceptable advient. Et comment ne pas considérer dans notre société actuelle de richesses que l’inacceptable est dépassé quand des personnes dorment à la rue ?
La désobéissance alors relève de la vigilance et non de la délinquance. Les réquisitions sont une condition de survie pour bien des personnes 

D'une certaine manière, les pouvoirs publics et la justice nous ont donné raison : pour les deux premières réquisitions (allée Brno et rue Quineleu), Archipel Habitat et l'AIVS avaient attendu la fin de la trêve hivernale alors qu'ils pouvaient lancer la procédure d'expulsion rapidement puisque les personnes occupaient sans droit ni titre.  Plus tard, la justice nous a donné raison puisque par deux fois contre la municipalité (bd de Guines) et une société privée (SNI) un délai de 6 mois a été accordé pour quitter les lieux.
La situation de Louis Postel est devenue exceptionnelle: aucune procédure judiciaire n'a été intentée par le propriétaire et la résolution de cette situation a été liée à l'insalubrité des lieux dénoncée par voix de presse. C'est la pression médiatique jusqu'au niveau national et la mauvaise image de la ville qui pouvait en résulter qui a acculé la municipalité à se rappeler ses devoirs: France 2 avait en effet titré sur l'existence d'un taudis dans le centre de Rennes…La demande de réquisition a enfin été prononcée en décembre 2010…
Soutiens et réseaux
Pour atteindre quelques-uns de nos buts, nous nous sommes appuyés sur un réseau d’individus qui se mobilisent ponctuellement ou plus régulièrement.
Et sur un réseau d’associations qui nous a appuyés et soutenus de différentes façons : apport de matériel, participation aux manifestations, dénonciation de l’insalubrité…
Le DAL 35, composé de peu de membres actifs, ne peut à lui seul mener tout le combat. Les objectifs de la  Charte sont très larges, et les nombreuses démarches pour permettre à tous et à chacun d’accéder à un logement décent nécessitent de fonctionner en réseau.
D’autres associations agissent. Chacune d’elles a son projet, ses méthodes et ses convictions. Dans le combat pour le logement pour tous, chacun a sa place et nos combats sont complémentaires.
Chacun, association ou individu peut prendre sa part dans cette lutte.
Notre action doit rester indépendante de tout parti, ou groupe de pression quel qu’il soit et c’est pourquoi nos ressources sont exclusivement constituées des cotisations des adhérents et des dons.




Bilan et perspectives


L’année s'achève avec un succès en demi-teinte. La réquisition de Louis Postel s'est terminée par le relogement de plus de 80 personnes par la municipalité sous la tutelle de la FNARS et en accord avec la préfecture qui a promis de placer les personnes en CADA d'ici la fin Mars. Le DAL35 a accompagné les personnes vers les nouveaux logements.

En termes de perspectives, nous devons continuer le combat et exercer notre vigilance.
- Combien de demandeurs d’asile reste-t-il à la rue et combien encore va-t-il en arriver?
- Combien de personnes mal logées malgré un effort municipal indéniable mais toujours insuffisant?
- Que deviennent les personnes hébergées temporairement à qui une place en CADA a été promise ? Ces promesses ont déjà commencé à ne pas être tenues (20 places de CADA avant le 15 décembre 2010)
- Que devient la demande de la mairie à l'Etat de revenir sur la régionalisation? Cette demande est-elle formulée avec suffisamment de conviction et de force ?
- Quelles mesures seront prises pour toutes les personnes à la rue, pour donner des moyens au 115 d’assurer sa mission décemment ? A quand un accueil de jour pour éviter l'errance diurne de familles encombrées de baluchons?
- Quelles perspectives pour les réquisitions de Claude Bernard et Guines après le 30 mars ?
Il est de notre responsabilité d’être intransigeants sur les promesses faites aux personnes qui ont été hébergées à Postel.
D’autre part nous avons prévu de nous investir du 28 au 30 mars dans une action nationale - la caravane des sans-logis et mal logés - visant à dénoncer les problèmes de logement, et de mal-logement. (Marchands de sommeil, insalubrité, tarifs EDF- GDF, logement étudiant…) Le but d’une telle action est de mobiliser de façon très large sur cette question cruciale et d’attirer de nouveaux militants.
Le DAL35 ne s'arrête pas à la seule cause des demandeurs d'asile, il restera vigilant sur la question du mal-logement et du non-logement en général.
Notre combat consiste à mettre les autorités devant leurs responsabilités. Nous ne pouvons nous résoudre à des solutions précaires ou de charité. Il s’agit d’un problème politique qui relève de la collectivité. L’objectif n’est pas de gérer la misère. Le scandale est de voir des personnes à la rue dans un Etat  et une ville riches.
Le but final du DAL est sa disparition; les problèmes de logement sont malheureusement tels que cette échéance est encore bien lointaine.

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