lundi 28 octobre 2019

Lettre ouverte à la Mairie de Rennes

DEMANDE DE RÉQUISITION DE BÂTIMENTS 

ET 

D’OUVERTURE D’ÉTATS GÉNÉRAUX DU LOGEMENT

FACE À LA CRISE MAJEURE DE L’HÉBERGEMENT DES PERSONNES EXILÉES À RENNES


La situation :

Cet été, la préfecture de Rennes a interdit au 115 d'accueillir les demandeurs d'asile !

Parallèlement :

- La multiplication du nombre de demandeurs d'asile placés sous procédure Dublin place des milliers de personnes et de familles dans la plus grande précarité, avant de pouvoir accéder à leurs droits

- Les demandeurs d'asile célibataires ont aujourd'hui très peu de chances d'accéder à un hébergement pendant la procédure d'examen de leur demande d'asile, contrairement aux textes qui fixent clairement cette obligation (et contrairement à ce qu’a déclaré Mme la Préfète dans la presse !).

- L'État méconnaît délibérément l'article Article L345-2-2 du code de l 'action sociale et des familles qui stipule que toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale doit avoir accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence.

- En imposant sans cesse de nouvelles conditions pour remettre enfin un titre de séjour aux personnes et familles présentes depuis longtemps sur le territoire et présentant toutes les preuves d'une bonne intégration à la société française, l'État les maintient dans l'illégalité et la précarité et laisse ces personnes peser sur la solidarité nationale alors qu'elles seraient prêtes à s'assumer par leur travail et à contribuer à la vie économique française.

L'État semble vouloir utiliser cette précarisation des personnes exilées, et particulièrement ces difficultés d'hébergement, pour décourager les candidats à une venue en France et encourager les personnes déjà présentes à repartir dans leur pays. Mais force est de constater que cette politique ne fonctionne pas, ne réussissant qu'à laisser la misère progresser en France, avec les risques qu'elle crée pour les personnes concernées, mais aussi pour toute la société française.


Résultat de l'incurie de l’État et de la politique de la préfecture de Rennes

- Le résultat est que la situation n'a cessé de se dégrader, pour arriver cet été à une situation inédite à Rennes : près de 400 personnes survivant durant près de 3 mois dans la plus grande précarité dans un campement insalubre au parc des Gayeulles avec, parmi elles, des personnes très malades dont la présence au campement était une véritable honte. Malgré les appels à l’aide des associations, les listes de demandeurs d’asile fournies à la préfecture : aucune proposition de relogement jusqu’au 4 octobre...

- Le 4 octobre : une journée noire ! Ce jour-là, non seulement les habitants du campement étaient convoqués au tribunal suite à la plainte de la préfecture pour « occupation sans droit ni titre » du parc des Gayeulles mais, au même moment, se déroulait à l’aéroport de St Jacques de la Lande la plus grosse expulsion de personnes exilées connue à ce jour en Bretagne : 33 Géorgiens expulsés, après une rafle sur toute la région, dans des conditions flagrantes de violation des droits humains ! (déclaration universelle des droits de l’Homme : interdiction d’expulsions collectives, de séparation des familles, de traitements inhumains et dégradants)


L’attitude de la mairie de Rennes

Concernant le campement des Gayeulles, certes la mairie de Rennes n’a pas demandé son expulsion mais elle n’a
pas non plus prévenu les associations de la démarche de la préfecture, résultat : une évacuation en catastrophe !

Certes, et bien que cela ne soit pas de la compétence des municipalités, la mairie de Rennes s'est lancée depuis 2014 dans une politique d'hébergement des familles avec enfants laissées sans solution par le 115 (630 personnes hébergées par la mairie pour un coût de 1 million d'euros en 2018)… mais après la tempête des 28 et 29 septembre, elle a fait évacuer par la police le gymnase de la Poterie, où s’était réfugiée une trentaine d’exilés !

La plupart des familles des Gayeulles (mais pas toutes) a été hébergée par la ville dans des des centres aérés...
qu’elles doivent quitter durant les vacances scolaires ! Et 300 personnes vivent au squat des Veyettes : le problème a donc été déplacé mais pas réglé.


Des conditions de vie indignes

Le squat des Veyettes est un bâtiment industriel peu adapté à la mise à l'abri de personnes et, même si sa superficie permet d'y accueillir de très nombreuses personnes, les conditions matérielles et de dignité n’y sont pas réunies .

La ville de Rennes a déclaré lors du conseil municipal du 16 septembre 2019 qu’elle ne lui apporterait aucun soutien.

La raison invoquée est que ce lieu aurait été ouvert par effraction : une vidéo montrant les échanges avec le commissaire de police venu faire les constatations montre pourtant que ce n’est pas le cas. Les conditions de précarité, le manque criant d’intimité et l’hiver qui arrive font craindre l’émergence de tensions ingérables par des bénévoles non formés à gérer de tels lieux et de telles situations. Il en est de même pour l’hébergement des familles dans les gymnases et les centres aérés.

De plus, la terreur engendrée par le contrôle d'identité massif aux Gayeulles le 12 septembre et l’expulsion du 4 octobre crée d'innombrables rumeurs totalement déstabilisatrices pour tous.

Devra-t-on accepter de voir errer ces personnes, ces familles dans Rennes, dans des squats misérables ou sur les trottoirs, avec toute la violence que cela induira ?

La responsabilité de l’État quant à cette situation est indéniable. Mais aujourd'hui, dénoncer l'incurie de l’État ne suffit plus : il va falloir trouver des solutions. Les associations n'y parviendront pas seules.


Quelles solutions ?


L’urgence d’une mise à l’abri digne

De nombreux bâtiments et logements vides existent sur la métropole et la loi octroie un droit de réquisition aux maires : les associations vous demandent donc instamment de l’utiliser pour mettre les gens à l’abri.


Nécessité de coordination départementale

Mais, au-delà de la nécessité d'actions immédiates, une des solutions pour réduire la pression sur Rennes serait d'élargir le périmètre dans lequel peuvent vivre les exilés.

Il y a des communes, parfois loin de Rennes, qui seraient prêtes à accueillir des migrants. Mais comment faire alors que les rendez-vous administratifs (préfecture, Coallia), les rendez-vous médicaux (hôpitaux, maternités…), les lieux tels que le Secours populaire (pour l’aide à la nourriture), etc sont majoritairement situés à Rennes et que le coût des transports hors Rennes métropole est incompatible avec la précarité financière de ces personnes ?

Aujourd’hui, faute d’une coordination départementale et d’une gratuité des transports pour tous les précaires, ces nombreuses propositions d’hébergement ne peuvent être acceptées. Recenser les communes susceptibles d'accueillir et travailler à obtenir la gratuité des transports dans tout le département pour tous les précaires, français et étrangers, comme elle existe déjà dans Rennes métropole, sont deux actions urgentes à mener parallèlement.

Les associations rennaises et les associations existant déjà dans le département sont prêtes à se lancer dans cette démarche et un certain nombre de mairies aussi, nous en connaissons.

Il existe un manifeste des villes solidaires (dit « manifeste de Strasbourg ») : il n’est pas suffisant d’en vanter le contenu, il faut désormais le signer, le faire signer et le mettre en application. La mairie de Rennes pourrait jouer un rôle moteur irremplaçable en initiant des États-Généraux du Logement réunissant communes solidaires, associations, professionnels : cela pourrait aboutir à de nouvelles solutions rapidement.


Signatures :

Action Culture Entreprise – ATTAC Comité de Rennes – Bienvenue ! – CCFD-Terre Solidaire 35 – CRIDEV – Ensemble 35 – GAT Réfugiés Migrants FI 35 – LDH Section de Rennes – MRAP 35 – PCF Section Rennes Métropole – Planning Familial 35 – RESF 35 – UL CGT 35 – Un Toit c'est Un Droit – Utopia 56 Rennes

Texte envoyé à la mairie de Rennes, à la presse, aux mairies solidaires déjà connues, aux associations de soutien aux exilés dans les autres communes du département, au conseil départemental d'Ille-et-Vilaine.

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