dimanche 6 janvier 2013

Expulsion de l'ARS. Réaction à chaud d'une militante.

Rennes, dimanche 6 janvier.
Expulsion d'une réquisition.

Dehors, il ne fait pas vraiment froid. Juste un petit crachin breton qui pleure depuis des jours sur des nuits d'errance. Le froid qui les fait frissonner est à l'intérieur, là où s'emmagasine la fatigue des journées à marcher sans but dans la ville, en attendant la réouverture des portes du foyer. Le froid il est dans la mémoire des corps recroquevillés dans les halls de gare, d'hôpital, dans les stations de métro, les encoignures de portes. La glace, elle se niche dans les devantures de Noël inaccessibles aux enfants, dans le sourire des passants ingénus et inconscients.

File indienne, ombres dans la nuit. Silence ouaté de crainte. Est-ce que ça va marcher ?

Une porte, un couloir, des couloirs, encore des couloirs, des pièces, des escaliers, partout. « T'es où ? C'est par où qu'on est arrivés ? J'suis perdu ! ». Petit à petit, des rires fusent. C'est incroyable comme c'est immense. En plus, il y a de l'eau ! Et de l'électricité aussi ! Curieux : il fait pas froid, c'est peut-être chauffé ? « T'as pris quelle chambre toi ? ». « Le bureau du directeur ! Il y a même une porte capitonnée ! ».
Tout est propre, impeccable. Ça fait plus d'un an que c'est fermé. Bâtiment public, ancienne direction des services vétérinaires, DDASS, agence régionale de la santé ... Partis où ? Services supprimés ou éclatés, ici ou là, dans d'autres lieux, parfois loués à prix d'or par l'État dans le parc immobilier privé (privatiser les bénéfices, nationaliser les déficit).
Ici, la ventilation ne s'est jamais arrêtée et il reste 200 litres de fuel dans la cuve. Dehors des dizaines de personnes à la rue en plein hiver, parfois des bébés. Pas grave : « comme le changement c'est maintenant, on réfléchit ».

Enfin, pas que. « On » agit, aussi.

Pendant qu'au 7° ciel de la réquisition les sourires illuminent tous les visages, pendant qu'on s'embrasse pour fêter ça, pendant que les militants sortent les couvertures et les galettes des rois (« avec un doigt de café, s'il te plaît »), dehors les robots-cops s'activent, bergers allemands à l'appui (faut bien ça pour chasser les enfants).

Pas de ronds de jambes inutiles. L'opération communication de la préfecture est terminée, on va droit au but, avec les moyens adéquats. « Vous sortez immédiatement ». Pas le temps de prendre ses affaires. Matraque au collet. Les chiens sur les talons. Bousculades pour les plus lents et pour les militants qui essaient de prendre des photos. En 10 minutes s'est bouclé. « Toute façon, on les connaît bien leurs tronches ». « Leurs figures, Monsieur, leurs figures ».
On essaie de se recompter dehors, dans le noir. Il en manque deux. Deux militants.
Brusquement, on les voit apparaître, cernés par un groupe de ninjas. Des fois qu'ils soient super forts et super dangereux, deux précautions valant mieux qu'une, ils ont été menottés les mains dans le dos.

« C'est quoi cette démocratie ?! » lance un migrant.

C'est quoi ces gens, élus par le peuple sur des valeurs de justice sociale, de solidarité, d'humanité et qui commanditent ça ? Que faudra-t-il pour qu'il sortent de leurs dorures et de leurs compromissions ? La mort de froid d'un enfant dans la rue ?

Messieurs et Mesdames les gouvernants, en plus d'être des traîtres, vous êtes des hors-la-loi car la loi oblige l'État à la protection des personnes. Et dans mes livres de petite fille, on m'a appris que les hors-la-loi finissaient toujours par être punis.

J. militante Un Toit c'est Un Droit, texte écrit ce matin vers 5h.


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