Affichage des articles dont le libellé est Militant(e)s Un Toit c'est un Droit. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Militant(e)s Un Toit c'est un Droit. Afficher tous les articles

mercredi 26 juin 2013

25 juin 2013 : expulsion de sans-abris occupant un pavillon appartenant à la ville de St Jacques (Ille-et-Vilaine)


Ils avaient dit : « Nous récupérerons notre bien ».
Ils avaient tous voté pour, sauf un.
Certains savaient qu'il y avait des demandeurs d'asile, d'autres pas.
Certains savaient qu'il y avaient des enfants scolarisés, d'autres pas.
Certains savaient qu'il y avaient des bébés, d'autres pas.
Certains savaient qu'il y avait un enfant en attente d'une greffe, d'autres pas.
Mais ils avaient tous voté pour l'expulsion, sauf un.

Ils avaient dit : « Ça se fera en douceur ».
Ils avaient dit les gens ne seront pas bousculés.
Ils avaient dit : « Il n'y aura pas d'enfant à le rue ».
Ils avaient dit : « Rendez-vous le 5 juillet pour discuter ».

Ils avaient dit nous avons des valeurs.
Ils n'étaient pas centristes, pas de l'UMP, encore moins du Front National.
Ils étaient élus de l'union de la gauche.

Le 23, le 24 juin ils n'ont rien dit d'autre.
Le 25 ils ont demandé à la flicaille de procéder à l'expulsion.
Le 25, à 15 h, il y avait 40 bleus-blancs-rouges pour virer 8 adultes et 6 enfants.
Le 25 ils ont défoncé le portail.
Le 25 ils ont explosé les portes des chambres fermées à clé.
Le 25 ils ont donné 10 minutes pour sortir de la maison.
Le 25 les gens n'ont pas eu le droit de préparer leurs bagages.
Le 25 les affaires, y compris la poubelle, étaient entassées pêle-mêle dans des camions municipaux avant d'atterrir dans un garage.
Le 25 ils refusaient de laisser une clé pour y accéder librement.
Le 25 cela se faisait sous 3 appartements vides.
Le 25 deux familles avaient une nuit d'hôtel.
Le 25 deux autres n'en avaient pas.
Le 25 cinq enfants étaient à la rue.

Ils avaient dit : « Nous avons des valeurs ».
Le 25, nous, nous étions quelques-uns à avoir la rage.


Aux larmes citoyens !
Joëlle Couillandre   

mardi 25 juin 2013

La houle ne mollit pas : 3 expulsions en 15 jours. A quand la prochaine ?


Mercredi 19 juin - Une déferlante -



Vers 15 heures 15, deux cars et deux voitures de policiers (une douzaine) stationnaient au 86, Rue de Lorient. Une expulsion d'un squat occupé par 15 migrants dont deux enfants (3 ans et 9 ans), de nationalité géorgienne, était en cours. Deux huissiers et le propriétaire se trouvaient également sur les lieux. Les résidents, vaquant à leurs occupations, étaient absents. Le représentant de la Préfecture était reparti, ayant constaté leur absence.

Pénétrant dans le lieu, le propriétaire m'interpelle et me demande mon identité que je décline à la police seulement . Elle m' enjoint de ressortir.

Les policiers ayant alors commencé leurs visites et investigations dans les différents pièces de la maison, un huissier demande que faire des sacs à dos et autres des migrants.
- Il faut les laisser accessibles à tous, ils contiennent certainement des documents personnels ou divers.
Le propriétaire furibond intervient :
- Il n'y a qu'à les jeter dans le jardin, je vais y mettre le feu.
Des policiers gardent l'entrée de la maison, toute pénétration de quiconque dans les lieux est refusée.


Ayant terminé leur besogne, des policiers ressortent enfin.
Une résidente avec ses deux enfants arrive, stupéfiée, elle présente son récépissé préfectoral de demande d'asile et veut entrer pour récupérer les vêtements de ses enfants, les nécessaires pour la toilette, les provisions pour la famille, des objets personnels. NON.
Dans une incompréhension totale, elle reste sur le trottoir, effondrée, en larmes avec son jeune fils qui pleure, effrayé par la présence des policiers. Puis exaspérée, elle montre son récépissé et demande à nouveau à reprendre ses affaires. NON
Et là stupeur ! Un gaillard, au premier étage, ouvre la fenêtre et commence à balancer avec rage des sacs plastique pleins de vêtements, des valises, des sacs de provisions, des conserves, des objets personnels en tout genre qui atterrissent et s'accumulent sur le trottoir sous le regard pétrifié de la femme, et de voisins. Maltraiter les biens, à défaut d'exercer sa violence sur les personnes.
La police impavide laisse faire l'humiliation, la stigmatisation.


D'autres résidents arrivent. Regards fixes. Sidération. Constat de l'ignoble : l'amoncellement sur le trottoir.
Ils présentent, eux aussi, leur récépissé préfectoral, puis interrogent :

Pourquoi l' Asile ?
Où le droit ? Ici ? maintenant ?

Pourquoi pas prévenir ?
Un policier jette : Vous étiez prévenus !

Comment le savaient-ils ? Un huissier était passé la semaine précédente leur disant que leur expulsion était proche. Cela signifiait-il qu'ils devaient à partir de ce moment et jusqu'au fatal jour - J - de leur expulsion, se tenir de six heures du matin et jusqu'à 22heures, leurs bagages et objets personnels au pied, prêts
pour évacuer sur le champ leur hébergement plus que précaire ? Ils ne le savaient pas !
Qu'eût-on rapporté, colporté s'ils avaient justement été présents ? ........
Les services de la Préfecture sont perméables ! Les migrants savent quand ils vont être expulsés ! ! ! Donner Tort ne suffit pas pour avoir raison, loin s'en faut !

Le grand désordre des objets personnels se répand sur le trottoir ainsi que des matelas, draps et couvertures. Avoir seulement - un matelas - pour se poser la nuit !



La "belle ouvrage" achevée, un maçon que le propriétaire avait engagé pour la circonstance et que l'un des policiers a appelé "les maçons du cœur" s'est mis au travail. Les sacs et biens divers risquent d'être pris dans des coulures de ciment dégoulinantes. Il faut tout dégager rapidement. Un policier pour accélérer le mouvement, le fait en y donnant des coups de pied :
- Je suis énervé, j'ai arrêté de fumer. Alors ! ! !

Les migrants atterrés ne trouvent plus ceci, cela qui leur appartenait dans le vrac sur le trottoir. Ils veulent absolument entrer pour prendre encore ces objets personnels qui leur manquent. HORS DE QUESTION ! Le propriétaire, lui, était calmé.

Leur désespoir : hommes, femmes et enfants, objets, traités comme dérisoires.

Questions lancinantes :

Où mettre nos affaires ?
Où dormir la nuit ?
Dans la RUE !
La HANTISE des migrants : la VIE à la RUE.

Appel, rappel à la Préfecture afin d'obtenir un hébergement : tous ont des récépissés. Néant
Une expulsion "sèche". Pas un seul hébergement accordé. L'aubaine ! 



Ces migrants se sont dirigés vers un autre squat, sans possibilité de nouvel hébergement. Tension, animosité, agressivité, inévitables. Ils sont repartis vers le dédale des rues.

Violence de part et d'autre, certes. Qui la génère et porte la responsabilité de ses conséquences ? - L' Etat seul - qui persistant singulièrement dans l'illégalité, ne respecte pas les droits accordés par les législation française, européenne, internationale aux demandeurs d'asile, en particulier celui de l'hébergement.
Comment sur le plan local, la Préfecture, la Police assument-elles " ces troubles à l'ordre public" qu' elles engendrent ? Quelle justification peuvent-elles apporter à ce déni affiché du respect élémentaire de la personne humaine.

A ne pas revivre !

Marie T.

mardi 30 avril 2013

Lettre au Diocèse de Rennes

Suite à l'article paru sur Ouest-France.fr une militante d'Un Toit c'est un Droit s'exprime :


     Monseigneur D'ornellas

     Nous venons d'apprendre dans le journal Ouest-France que les migrants installés dans l'ancienne église Saint-Marc ne seraient pas expulsés. Nous en sommes sincèrement très touchés. Et rassurés, car s'il avait fallu partir, nous ne savons pas comment nous aurions pu les aider. " L’église doit remplir ses missions de solidarité habituelle. " Nous vous en remercions.

     " Le diocèse regrette, par ailleurs, les « méthodes employées » par le collectif Un Toit un droit ". Nous comprenons parfaitement vos réticences. Mais depuis le 12 janvier, nous avons multiplié les actions pour alerter sur la situation des personnes non-hébergées à Rennes. Le 12 janvier, nous avons manifesté devant
l'Hôtel-Dieu pour demander l'ouverture de ce lieu sans attendre les périodes de grand froid. Le 30 janvier, nous avons encore manifesté avec d'autres associations rennaises. Le 16 mars, nous avons brièvement occupé l'Eglise place Saint-Anne . Le 22 mars nous avons occupé le gymnase de l'école de l'Ille, et le 2 avril celui de l'école Léon Grimault. Du 10 avril au 19 avril, nous avons occupé une salle du centre social Carrefour 18, et du 19 au 25 mai une salle du Triangle. Pendant tout ce temps, personne ne s'est manifesté pour proposer une aide aux migrants. Pendant tout ce temps, l'église Saint Marc et ses dépendances étaient vides.

Nos méthodes ne sont certes pas les mêmes, mais nous savons que l'Eglise Catholique fait beaucoup pour aider les migrants, par l'intermédiaire du Secours Catholique. Les migrants que nous connaissons bien nous parlent avec beaucoup de gratitude de l'accueil qu'ils reçoivent dans les locaux de cette association. Nous
savons aussi que vous avez prêté le local de Saint-Marc à l'Etat pour héberger des sans-abris au cours de l'hiver. Vous affirmez que vous allez remplir vos missions de solidarité habituelle, et nous vous en remercions. Nous ne pensons absolument pas que vous ayez une obligation de solidarité plus grande que celle qui incombe à chacun de nous, et surtout à l'Etat ( Le mot fraternité au fronton de nos mairies devrait avoir un sens !) Au cours de l'hiver, nous avons nous-mêmes, et des dizaines de familles non-catholiques ont accueilli des migrants, donné sans compter notre temps, notre énergie, notre argent, comme de nombreux Chrétiens. En occupant l'église Saint-Marc, nous ne nous adressons pas particulièrement à l'Eglise, nous occupons un bâtiment vide. Au cours des semaines passées, nous avons occupé, ou tenté d'occuper, le bâtiment de l'ARS, qui appartient à l'Etat, la cité universitaire de l'Ecole d'Agriculture, deux gymnases qui appartiennent à la Ville de Rennes, un centre social, un centre culturel, une maison à Saint-Jacques de la Lande qui appartient à Rennes Métropole.

     Mais l'article de journal vous prête ces paroles : "On est aussi vigilant sur l’utilisation politique des migrants par l’association, alors que c’est un combat qui les dépasse ", nous sommes un peu surpris. Certes, il n'est pas facile d'expliquer les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités locales à des migrants qui viennent d'arriver, qui ne parlent pas français. Et dès que nous arrivons à avoir quelques mots en commun, ou dès que nous avons des interprètes, ils posent des questions sur la législation, sur l'organisation administrative française...
     Et ils comprennent tous très bien l'obligation qui est faite à l'Etat de trouver de façon " inconditionnelle et immédiate" à « toute personne sans abri en situation à un dispositif d'hébergement d'urgence ». Et ils savent, mieux que personne, la violence que représentent des semaines voire des mois de vie au 115, avec ses
déménagements incessants, ses journées d'errance en attendant l'heure de rejoindre son accueil de nuit, l'angoisse terrible des jours sans solution. Violence imposée par
les autorités qui ne respectent pas la loi, la constitution et les conventions internationales, qui pourtant s’appliquent sans équivoque !
     Notre association n'a aucune visée politique. Parmi les adhérents, les appartenances politiques, syndicales, religieuses, sont très diverses. Mais bien sûr, notre combat est politique, en ce sens que la solution à ce problème d'hébergement, et de l'accueil des migrants en général, doit évidemment venir des autorités , Etat, Collectivités Locales, et non de la solidarité républicaine ou catholique.
     Quand ils ont appris que vous ne demanderiez pas leur expulsion, ils en ont été très soulagés, et très reconnaissants. Le répit qu'ils vont trouver dans ce lieu, pour poser leurs bagages, se retrouver en famille, s'installer un petit coin d'intimité, reprendre l'habitude de se préparer des repas... sera pour eux précieux, même s'il n'est que momentané, et ils sauront vous l'exprimer.
     Souhaitant trouver un terrain d'entente au service des migrants sans hébergement, nous vous prions d'agréer, monseigneur d’Ornellas, l'expression de notre considération respectueuse.

Armelle Bounya

mercredi 17 avril 2013

Point de vue d'une militante sur le conseil municipal


Le Maire commence par faire l'appel de sa cour très peu disciplinée, chacun-e-s discutent avec ses voisin-e-s, au téléphone, et beaucoup de ses sbires sont en retard !

Nous sommes assises au premier rang des sièges réservés au peuple...

Devant nous, une table d'honneur réservée aux journalistes, dehors on entend du bruit, une autre manifestation a lieu, un rassemblement de personnes qui entendent défendre leurs vision du mariage : pour elle, pour lui et pour des français-e-s d'origine !

Avant d'entamer leur séance, « Parole au peuple » nous dit le Maire et la première question sera posée par la délégation (composée de 4 personnes, démocratie impose!) d' « Un toit c'est un droit » !

Nous nous levons...

« Mr le Maire, Messieurs et Mesdames les adjoint-e-s... »

Marie T prend la parole en expliquant la situation actuelle de l'occupation de Carrefour 18, rappelle à la Mairie son silence et les questions que cela sous-entend, à savoir ce qu'elle compte faire face à cette situation, puis la parole est donnée aux deux jeunes filles qui énumèrent soigneusement la triste liste de l'ensemble des enfants actuellement sans hébergement...

Comme à son habitude le principal concerné  n'écoute pas et la cour semble suivre l'exemple du maître de la maison close!

Une fois l'intervention finie, le maire donne la parole à (je n'ai même pas eu le temps de noter son nom, Jocelyne Bougeard ou Catherine Debroise ou...) et le grand bal de l'élue commence :

Elle commence par remercier le collectif de rappeler à quel point la Mairie se mobilise sur le sujet et remercie ce dernier de leur laisser enfin une ouverture possible car la dernière réunion à laquelle celui-ci a été convié a été boycottée alors que l'ensemble des points soulevés dans l'intervention qui venait d'être faite précédemment devait être abordés...

Elle rappelle donc que ce cadre de dialogue a été refusé  et que le collectif préférait faire des « actions spectacles » plutôt que d’entamer le dialogue. Or, elle rappelle que ce ne sont pas les méthodes du fonctionnement de la Ville de Rennes...

« Vous mettez les gens en danger de par les logements insalubres que vous proposez et vous ne faites qu'accentuez les difficultés de ces familles déjà en grande souffrance »

Cette élue a apriori pris contact avec des réseaux de soutien, des familles hébergeantes qui souhaitent (eux !!) réellement avoir des rencontres régulières et en bon terme avec la Mairie, d'ailleurs la collectivité renouvelle son invitation à la rencontrer et à mettre en place la tenue de réunion régulière !

« Votre collectif favorise et met en place un climat et un contexte de pression or on ne discute pas dans une atmosphère de pression ». En effet, elle souhaite que les rencontres se passent dans un climat apaisé !

Elle rappelle bien que c'est la préfecture qui est en charge de toutes ces questions mais que la Mairie a toujours fait remonter ces remarques et que la ville assure qu'elle fait le lien avec les services concernés dès qu'elle le peut...

Elle fait remarquer qu'effectivement aucune liste n'a été transmise concernant l’occupation de Carrefour 18 et qu'ils s'en saisiront dès qu'ils l'auront...

Elle rappelle que ce sont des questions extrêmement complexes et ne pas à prendre à la légère et qu'ils recherchent vraiment des solutions pérennes et qu'elle a sincèrement l'espoir de voir ouvrir de nouvelle place en CADA ou autre d'ici à 1 an !

Elle rappelle que toutes les personnes ne peuvent bénéficier du même traitement...En effet, certaines personnes ne peuvent relever des dispositifs mis en place, à savoir les personnes Dublin II...

Elle réaffirme également que c'est de leur et de notre responsabilité  collective de ne pas donner un espoir à ses gens !

Et elle ajoute avant de conclure son propos :
La reconduite de certaines de ces personnes (cela dépend des pays bien sûr!!) serait certainement plus favorable pour elles car elles vivraient sûrement mieux chez elle qu'ici !

L'oligarque reprend la parole en remerciant sa disciple d'avoir rappelé  à quel point ils étaient attachés à des valeurs humaines....

samedi 6 avril 2013

Les élus de Rennes et le cabinet du Maire viennent de confirmer l'orientation définitive de leur programme politique pour les années à venir…


Après une nuit passée dans un gymnase glacial, la soixantaine de migrants qui occupait une infime partie de l'école Léon Grimault depuis 26 heures a été évacuée par les forces de l'ordre à la demande de la Ville de Rennes mercredi 3 mars 2013 soir vers 20h00.

L’élu de quartier, Frédéric Bourcier, (adjoint au Maire de Rennes (urbanisme et aménagement), Conseiller Général de Rennes Le Blosne, PDG de la SADIV et Socialiste), excusez du peu mais tel que décrit sur son profil Tweeter, visiblement trop occupé au point de ne pas satisfaire à ses obligations que lui confèrent ses mandats, avait déclaré préalablement au téléphone, ne pas être disponible pour aller à la rencontre des familles et refuser de répondre au questionnement des parents d’élèves et enseignants, tout en affirmant que cela serait fait par communiqué de presse le lendemain.

Ce refus immédiat et catégorique illustre un musèlement total de l’élu ou l'absence de toute opinion personnelle, de convictions éthiques ou morales quant au devenir de familles à la rue sur sa circonscription.

Si l’expulsion était acquise, restait à mettre en scène la classique opération de communication et de la programmer au moment opportun. Chose faite.

La mise à l’abri des personnes en détresse, quelle que soit leur situation, est une obligation légale et inconditionnelle. Toutefois, les élus de la Ville de Rennes et la préfecture se sont accordés durant ces 26 heures pour définir et remodeler le droit à l'hébergement d'urgence à leur guise. Des propositions particulièrement restrictives, sans aucune justification administrative ou juridique. Seules les familles considérées comme demandeur d'asile ayant un enfant de moins de 3 ans seront susceptibles d'être hébergées. Une dérive profondément choquante, indigne de tout représentant d'un état de droit, élu ou nommé, en adéquation avec les thèses extrémistes prétendument combattues au nom de l'idéal républicain mais dont on s’accommode de plus en plus ouvertement. Ce qui semble être considéré comme acceptable aujourd'hui pour les quelques centaines de sans-abri (migrants ou pas) de cette ville, le sera demain pour les nombreux laissés-pour-compte que laisse entrevoir la crise économique persistante. La suppression ou la réduction des droits des plus faibles est déjà de rigueur dans plusieurs pays européens. Les élus de Rennes et le cabinet du Maire viennent de confirmer l'orientation définitive de leur programme politique et leur conception de l'action publique pour les années à venir.

Au-delà de cette pratique dorénavant assumée de combattre les miséreux plutôt que la misère, la préfecture et ses interlocuteurs rennais ont démontré une nouvelle fois leur incompétence ou leur cynisme. Proposer ou laisser supposer l'ouverture de places supplémentaires, avec les restrictions arbitrairement imposées préalablement citées, aux seules personnes figurant sur une liste établie 15 jours auparavant lors d'une situation similaire, sans rapport avec l'action en cours, quand aucune n'est présente, révèle pour le moins l'absence de réactivité de mise en œuvre face aux situations d'urgence ou un simulacre d’intérêt parfaitement orchestré.

La Ville Rennes objectera comme un leitmotiv que l’hébergement d'urgence des migrants n'est pas de son ressort mais avoir cependant beaucoup contribué concernant cette problématique. Une vérité très relative comparée aux subventions accordées au forum de Libération depuis sa création, aux frais de bouche et autres agapes durant une mandature, aux sommes allouées à la communication publicitaire de l'action municipale. Tout comme le refus inqualifiable de prendre en compte sans critères discriminatoires le devoir d'action sociale pour tout habitant domicilié sur la commune , qui plus est lorsque des enfants sont concernés.

Une nouvelle fois la Ville de Rennes n'aura rien cherché à obtenir ou exiger de la préfecture autre que son appui logistique et la défense de ses intérêts immobiliers nullement menacés. Sous le gouvernement précédent, les élus de cette ville clamaient leur innocence quant à leur participation active à la dégradation des conditions d’accueil des migrants. Aujourd'hui on en a la certitude. Les limites de leur action ne sont pas d'ordre pratique mais politique et idéologique.

Yannic Cottin

lundi 25 mars 2013

Expulsés de l'école de l'Ille, suite et vérités




Vendredi soir 22/03, et pour tout le week-end, 19 personnes connues des associations étaient à la rue, parmi elles 10 enfants et 12 personnes primo-arrivantes ou en situation reconnue de grande fragilité (par exemples, une femme enceinte). Les personnes à la rue ce week-end faisaient, pour la plupart, partie de celles qui ont été expulsées du gymnase de l'école de l'Ille mercredi 20/03, à la demande de la ville de Rennes.

P2170472.JPGSi ces personnes n'étaient plus visibles dans la rue après 20 h ou 22 h, c'est parce que des réseaux citoyens initiés par l'association « Un toit c'est un droit » refusent de les laisser dans le froid et font tout simplement preuve d'humanité. Entre le 27 novembre 2012 (date de l'expulsion du squat de Pacé) et le 25 mars, ce sont 717 personnes qui ont ainsi été recueillies, ceci sans tenir compte des accueils réalisés par d'autres associations telles que le réseau « Bienvenue ». Durant tout l'hiver c'est , de fait, un véritable 115 bis qui s'est mis en place. Si certains migrants sont hébergés chaque soir par des citoyens français choqués de voir des enfants à la rue, l'essentiel de la charge repose sur les familles des compatriotes des personnes à la rue, compatriotes installés en France définitivement, mais qui compteront longtemps parmi les plus fragiles de notre société. Même quand le parcours du combattant de l'immigration en France se termine, les familles restent dans un équilibre moral et économique précaire. Mais la plupart se montrent spontanément solidaires de leurs compatriotes en difficulté. Mme Debroise s'en réjouit, sans se soucier des conséquences sur ces familles en cours d'intégration.
Quand la ville de Rennes, via Mme Debroise, ose déclarer qu'elle est attentive aux situations humanitaires, c'est un mensonge éhonté : non seulement elle n'a jamais initié aucune démarche vis à vis des associations ou des collectifs d'écoles pour s'inquiéter de la réalité de la situation, mais la ville a décidé en début d'année que les élus de permanence arrêteraient de recevoir les sans-abris le mercredi-matin, pour finir par les faire expulser des lieux où ils avaient trouvé refuge, sans aucune proposition de relogement et sans même daigner intervenir auprès de la préfecture pour faire appliquer la loi de réquisition.


P2170478.JPGQuant à la préfecture, qui a fait de grandes promesses à la Ligue des Droits de l'Homme et de grandes déclarations dans la presse, concernant sa volonté d'héberger les demandeurs d'asile et de signaler aux « opérateurs sociaux » les situations humanitaires devant être prise en compte, elle fait preuve elle aussi d'une incroyable malhonnêteté : le soir-même de l'expulsion du gymnase et de la condamnation de la préfecture par le tribunal administratif de Rennes pour non-hébergement des demandeurs d'asile, une famille de DA ayant gagné son référé était à la rue, chassée du hall de l'hôpital par la police et errant toute la nuit dans les rues. Le lendemain même des promesses faites par la préfecture à la Ligue des Droits de l'Homme, les services sociaux n'avaient toujours reçu aucune consigne et aucun moyens supplémentaires n'avaient été débloqués.


La politique gouvernementale actuelle, déclinée dans notre département par la préfecture, vise clairement à rendre la vie impossible aux demandeurs d'asile, et cela au mépris de toutes les conventions internationales et des recommandations du HCR de l'ONU (voir rapport publié le 21/03). Bien que restant loin derrière les États Unis, l'Europe a connu une augmentation significative des demandes d'asile mais la France est en queue de peloton, avec une augmentation de seulement 3 % (contre 48 % pour la Suède, 41 % pour l'Allemagne, 33 % pour la Suisse et 6 % pour le Royaume Uni). Cela représente en clair une augmentation de moins de 580 personnes par département. On est loin du fameux « appel d'air » qui risquerait de ruiner notre pays !

À défaut de respecter leurs promesses électorales de respect des droits de l'homme (et le droit à un logement en fait partie, de même que le droit d'un enfant à être protégé), certains politiques pourraient au moins avoir le courage d'assumer leurs choix au lieu de mentir effrontément, de vilipender les associations et de faire preuve du plus grand cynisme. Mme Debroise, élue rennaise, qui a fait le tour de Rennes un soir dans l'année et n'a vu aucun enfant à la rue, s'est bien gardée de répéter à la presse sa déclaration téléphonique à des parents d'élèves émus par la situation des petits camarades de classe de leurs enfants : « Vous n'imaginiez quand même pas que vous alliez réussir à nous apitoyer ! ». Ci-jointes les photos des enfants sur qui il conviendrait de ne pas s'apitoyer …

Joëlle Couillandre

P2170471.JPG


P2170463.JPGP2170468.JPGP2170474.JPG
P2170467.JPG

P2160453.JPG


P2160456.JPG
  + photos d'Armelle

*fourchette basse car il y a sûrement eu des hébergements non répertoriés (nous pouvons donner les noms et des hébergés et des hébergeants, date par date)

samedi 23 mars 2013

Les mensonges d’une municipalité

Les propos de Catherine Debroise dans l'article de Ouest-France du jeudi 21 Mars consacré à l'évacuation de l'école de l'Ille relèvent avant tout de la désinformation. La manipulation est outrancière mais hélas habituelle et symptomatique du désaveu persistant entre militants et politiques. Il s'agit là uniquement d'une occultation de la réalité pour qui veut justifier l'injustifiable. Une série de mensonges éhontés, indignes et inacceptables pour tous ceux qui subissent de plein fouet la politique de répression municipale et préfectorale.

1)     La Ville de Rennes aurait décidé de rencontrer régulièrement les associations de soutien aux migrants mais lors de la deuxième initiative seules deux d'entre elles sont venues, déplore l'élue. Cependant certaines organisations telles que le Collectif de Soutien aux Personnes Sans-Papiers,  Un Toit c'est un Droit, et la liste n'est pas exhaustive, ne figurent pas sur le listing des invitations. Pourtant elles agissent quotidiennement aux côtés des personnes concernées et pour le respect de leurs droits. D’autres organisations, bien qu’elles aient été  invitées et présentes, ont été physiquement empêchées d'y participer par le service d'ordre municipal mis en place pour ces réunions prétendument fraternelles. Cela dit, rappelons aussi que des associations refusent objectivement de contribuer à l’idolâtrie de l’action municipale.

2)     L’hébergement des migrants demandeurs d’asile est de ressort de l’Etat réitère l’élue. Le dispositif Coorus  mis en place il y a 2 ans par le Ville de Rennes et Rennes-Métropole a permis de créer 95 places supplémentaires. Incontestable et vrai, quoique le deuxième argument commence à dater.  Se prévaloir d’une amélioration de l’offre de l’hébergement  locale, concédée en partie sous la pression et la contrainte du mouvement associatif, n’illustre en aucun cas une quelconque grandeur d’âme. Pas plus que de se voiler la face en rappelant opportunément les compétences administratives de chacun pour justifier le droit de ne rien faire,  de ne rien dire, quand on ajoute de la misère à la misère en expulsant des familles à la rue le jour même.

3)     Le Ville de Rennes prend ses responsabilités pour la scolarisation des enfants et l’accès à l’aide alimentaire. Madame Debroise ignore donc encore que la scolarisation des enfants est obligatoire et ne connaît donc toujours pas les modalités de l’accès aux aides alimentaires, le public considéré, les délais d’attente. Elles ne sont en rien instantanées, systématiques, ou permanentes. Par ailleurs pour plus de précision, la Ville de Rennes subventionne les associations qui assurent l’accès à l’aide alimentaire. Elle n’en facilite pas l’accès.

4)     Catherine Debroise, élue de terrain, dit avoir participé il y a un mois à une maraude et ne pas avoir vu d’enfants à la rue, mais ne pas pouvoir affirmer que cela n’existe pas et d’ajouter que pour toute situation d’urgence dont ils ont connaissance faire en sorte de trouver une solution.
Pour les statistiques le jour devait être béni.  Températures hivernales négatives,  plan d’hébergement grand froid temporairement déployé, voir des personnes à la rue venir la  saluer sur son éphémère  parcours de militante du respect des droits demeurait fortement improbable. Une visite des squats et autres logements de fortune lui aurait permis de rencontrer le public vers lequel elle prétendait vouloir aller mais, mille fois hélas, ses communicants ou sa conscience politique ont toujours réfuté que cela puisse exister.  Affirmer  n’être pas certaine que des enfants dorment  dans la rue le jour où on prend la responsabilité d’en expulser  plusieurs est proprement provocateur. Cette dramatique situation existe depuis plusieurs années, différents éléments  en attestent. Les jugements du Tribunal condamnant la préfecture, les déclarations de la Croix Rouge rennaise, les statistiques du 115, l’existence des squats, etc. Ceux-ci ne peuvent être niés que par une élue aux intentions malveillantes.  Cerise sur le gâteau,  pour toute situation signalée la municipalité ferait  en sorte qu’une solution soit trouvée. C’est volontairement oublier le rassemblement hebdomadaire de sans-abri place de la Mairie le mercredi matin et qu’à plusieurs reprises des familles et des associations sont intervenues lors de séances du conseil municipal. La suite donnée à ces interventions par la noble assemblée se résume en trois actes. Suspension de séance, expulsion du public et interdiction d’y revenir. 

5)     Catherine Debroise  en appelle désormais à l’Etat et ouvre des pistes de réflexion. L’ouverture d’une deuxième borne d’enregistrement en Bretagne constituerait une réponse au manque d’hébergement. L’allongement des titres de séjour de trois à six mois  permettrait  aux familles de s’organiser pour trouver une solution d’hébergement dans d’autres départements. Bref rien de nouveau. Madame Debroise cherche principalement à éloigner de sa vue le problème des sans-abri sur son territoire.
L’éparpillement d’une population fragilisée, sans accompagnement social, sans possibilité de transports, sans accès aux centres d’aides alimentaires, sociales, médicales, administratives et juridiques des associations ou des collectivités résume son triste programme et toute sa compassion envers les  plus démunis.

Il ne s’agit pas d’affirmer que La Ville de Rennes reste toujours inactive mais de faire cesser l’imposture d’une communication sans fondement. Que la Ville de Rennes expulse les lieux occupés ou réquisitionnés peut se concevoir juridiquement.  Cependant la manière d’exécuter la décision doit reposer sur le principe du respect des droits élémentaires de chacun. Ce qui n’est pas le cas.
Jamais un élu de la Ville de Rennes n’est intervenu au conseil municipal pour demander officiellement au Maire de solliciter auprès du préfet un ordre de réquisition conformément à une loi existante.
Existe-t-il encore un élu rennais avec des convictions humanitaires intangibles ?  Dans l’immédiat  nous ne pouvons qu’en douter. 

Yannic Cottin




vendredi 1 février 2013

“De toute façon, s’agissant de l’hébergement d’urgence, nous avons un système qui fonctionne bien.” !


par Armelle Bounya

Monsieur le préfet

Dans un article de Ouest-France du 6 janvier 2013, monsieur Fleutiaux, secrétaire général de la préfecture d’Ille-et- Vilaine, déclarait : “De toute façon, s’agissant de l’hébergement d’urgence, nous avons un système qui fonctionne bien.”

Je voudrais vous raconter l’histoire d’une famille que je connais bien. Je les ai rencontrés le 26 décembre dans les locaux de la Croix-Rouge. J’accompagnais une personne qui effectuait une démarche de routine, et je remarque une famille avec un gros sac, l’air transi et épuisé. Deux enfants, dix et six ans. Je m’approche, je cherche à entrer en contact avec eux. Pas facile, ils ne parlent pas français, et ils sont sur la défensive. Les bénévoles de la Croix-Rouge leur offrent un café, un gâteau, un jouet aux enfants, et cherchent à comprendre leur demande. Ils racontent, dans un anglais approximatif : ils sont arrivés la veille à Rennes, ils ont dormi à la gare, et au matin, un habitant les a mis dans un bus direction la Croix-Rouge. Hélas pour eux, ce n’est pas la bonne procédure, il faut aller d’abord à la PADA. Impossible de leur expliquer le chemin avec le peu de mots que nous avons en commun, je les accompagne. En ce lendemain de fête, la PADA est fermée. J’appelle le 115, fais le premier signalement. Mais pas de solution pour le soir.

Face à leur épuisement et à la présence d’enfants, on appelle des amis à droite et à gauche, et on trouve une famille qui les accueille pour une nuit. Pas de problème, demain on les accompagnera à la PADA et on rappellera le 115. Et on espère que tout va rentrer dans l’ordre. Quelle naïveté !

Aujourd’hui mardi 22 janvier, ils sont en France depuis presque un mois, et le 115 vient de leur dire : aucune place pour vous ce soir. Comme hier soir. Monsieur le préfet, ils ont appelé tous les jours le 115, souvent plusieurs fois quand on leur dit : rappelez à 17 h, puis à 19 h, puis enfin vers 20 h "désolé pas de place". Ils ont obtenu une réponse positive UNE fois, pour sept nuits à l’hôtel, du 14 au 21 janvier. 7 nuits d’hôtel en 28 jours de présence ! Il faisait froid cette semaine-là, et le niveau 2 du plan hivernal a été déclenché. Aujourd’hui il fait certes moins froid, mais Météo France annonce 0° cette nuit à Rennes. Et il pleut depuis ce matin. Ils vont passer toute la journée dans la rue. Et cette nuit ? Le plan grand froid a été levé, on peut donc en toute bonne conscience les laisser dormir dehors ?

Cette famille a rendez-vous à la préfecture pour retirer son dossier d’asile le 4 février. Elle enverra son dossier à l’OFPRA trois semaines plus tard, recevra l’enregistrement de son dossier une semaine après, commencera à toucher l’ATA au bout d’environ un mois encore. Et quand obtiendra-t-elle la place de CADA à laquelle son statut de demandeuse d’asile lui donne droit ? Combien de temps va-t-elle devoir vivre cette vie épuisante, déstucturante, déshumanisante au 115 ? Combien de temps ces enfants vont-ils suivre une scolarité en pointillé, au hasard des hébergements dans différents centres du département, au mépris du travail de leurs enseignants ?

La semaine dernière, une famille de la même nationalité est venue me voir pour m’annoncer qu’elle vient d’obtenir le statut de réfugié. Ils parlent parfaitement le français, cherchent activement du travail. Nul doute que bientôt ils seront Français. Travailleront, paieront des impôts. Cette famille a passé ses premiers mois en France dans un grenier du terrible squat de la rue Postel. Je pense que vous n’avez pas oublié ce mois de novembre glacial, où il faisait 0° la nuit dans certaines pièces où vivaient des enfants dont plusieurs n’avaient pas deux ans. Cette famille sera française. Mais oubliera-t-elle cette période de sa vie ?

Non, monsieur le préfet, le système d’hébergement d’urgence ne fonctionne pas bien. Nous, nous n’avons pas les chiffres des appels décrochés, ni le nombre d’appels restés sans solution. Vous, vous les connaissez sûrement. Mais nous, nous avons l’expérience concrète des matinées où notre appel n’aboutit qu’au quinzième appel, et où on nous dit que c’est trop tard, le dispositif est complet. Nous avons l’expérience des gens paniqués qui nous appellent à 19 h en disant : " le 115 nous avait dit de rappeler à 17 heures, mais quand on a réussi à les avoir il n’y avait plus de place. Il fait 2°, où va-t-on passer la nuit ? " Nous avons l’expérience des gens qui nous disent : " je ne supporte plus d’appeler le 115, il n’y a jamais de place pour moi" ou : "on n’en peut plus, cette semaine on est en foyer, il faut sortir à 9 heures et rentrer à 18 h 30, on passe toute la journée dans la rue avec nos enfants" ou " j’ai obtenu une place à Fougères pour une semaine mais j’ai rendez-vous à la préfecture, ou à l’hôpital, et je n’ai pas d’argent pour payer le car" ou " j’ai obtenu une place à Fougères pour une semaine mais mes enfants ne pourront pas aller à l’école" . Non, monsieur le préfet, le système d’hébergement d’urgence ne fonctionne pas bien. Ces mois d’errance et d’abandon sont-ils devenus le passage obligé pour tous ceux qui seront la France de demain ?

Armelle Bounya, Châteaugiron

jeudi 24 janvier 2013

Non, Monsieur le Préfet, l’hébergement d’urgence ne fonctionne pas bien en Ille-et-Vilaine


Par Joëlle Couillandre

Aujourd’hui, 21 janvier, 20 h, il fait zéro degré dans mon jardin mais, c’est vrai, il ne neige plus et les routes, pour l’instant, ne sont plus verglacées dans mon petit coin de campagne bretonne. Tout le monde souffle, en craignant toutefois un peu le réveil de demain matin.
Tout le monde souffle, sauf les sans abris. Parce que, pour eux, Monsieur le Préfet d’Ille-et-Vilaine semble avoir décidé qu’il faisait désormais bon dehors. Alors, de manière tout à fait logique, ceux qui avaient pu être hébergés, ces 2 derniers jours, se retrouvent aujourd’hui à la rue. À la télé, la présentatrice météo caresse doucement son écran en expliquant que le front froid avance et qu’il faut craindre des pluies verglaçantes, mais ça ne concerne que les automobilistes, pas Monsieur le Préfet … donc, pas les sans abris !
Monsieur le Préfet d’Ille-et-Vilaine nous avait expliqué, dans le journal Ouest- France du 7 janvier, que l’hébergement d’urgence fonctionnait bien à Rennes.
C’est vrai, l’hébergement a bien fonctionné 2 jours. Deux jours de neige.
Aujourd’hui, de nouveau, deux appels de personnes restées sans hébergement : une famille avec deux enfants de 10 et 12 ans et un jeune homme. On leur a dit de rappeler le 115 à 16 h alors, depuis 16 h, plusieurs personnes se sont relayées sans discontinuer pour appeler, toutes les 5 minutes. 115 injoignable.
« L’hébergement fonctionne bien ». Monsieur le Préfet confond décidément les temps de conjugaison.
Je m’étonne que de tels propos, relayés par la presse, aient pu être tenus par un représentant de l’État dont on serait en droit d’attendre une plus grande probité. Les services officiels affichaient eux-mêmes, par exemple, un taux de 49 % de réponses positives pour l’hébergement d’urgence en janvier 2012 et de 17 % en octobre dernier. Monsieur le Préfet ment donc en toute conscience.
Certes, on peut considérer que le mois d’octobre est rarement, en Bretagne, une période de grand froid mais comment peut-on oser se satisfaire d’une situation où une majorité de personnes demandeuses d’abri (dont des enfants) se trouve obligée de dormir à la rue, quelle que soit la saison ?!
Les données officielles relatives à l’hébergement d’urgence depuis octobre ne sont pas encore connues en détail pour l’Ille-et-Vilaine mais je peux attester des situations que j’ai rencontrées durant cette période. Grâce au réseau de solidarité mis en place par l’association « Un toit c’est un droit », toutes les personnes suivantes ont été hébergées en urgence par ma propre famille ou par des amis, faute de quoi elles auraient passé la nuit à la rue :
- jeudi 29/11 : 2 familles demandeuses d’asile (3 bébés, dont un de 3 mois) trouvées à la station de métro du Blosne à 21 h (température 3°).
- du 7 au 9/12 : 2 familles (dont 2 enfants), trouvées affamées et transies au Secours Catholique.
- 10 et 11/12 : 2 familles (5 enfants, dont un bébé de 18 mois très gravement malade). Température – 3°.
- 26 et 27/12 : 2 familles (4 enfants entre 2 et 12 ans et une femme enceinte).
- du 1° au 9/12 : une famille (2 enfants de 2 et 7 ans).
- du 31/12 au 5/01 : une famille (2 enfants de 10 et 12 ans).
- 12 et 13/01 : même famille
- 12 et 13/01 : 2 nuits payées dans un hôtel pour une famille de 6 personnes (dont un enfant de 2 ans et une fillette de 8 ans) + un jeune célibataire
- et, donc, le 21/01 : une famille avec deux enfants et un jeune-homme
Il ne s’agit là que d’une expérience personnelle. Dans le même temps, d’autres ont vraisemblablement connu des choses similaires et il est fort probable que des personnes en difficulté soient restées totalement isolées.
Par ailleurs, ancienne institutrice, j’ai gardé de nombreux contacts avec mes collègues qui me permettent de mesurer les conséquences dramatiques, pour les enfants, des hébergements aléatoires et mouvants : un jour à Rennes dans un foyer, le lendemain dans un autre, ensuite 2 nuits à la rue, puis Fougères, puis rien, puis … Des réponses parfois données à 20 h ou plus, à des familles frigorifiées et épuisées attendant devant une station de métro. Enfants déscolarisés ou scolarisés en pointillés (on sait, par ailleurs que la fréquentation régulière de l’école est une des conditions à la régularisation). Enfants mal-nourris et affaiblis (impossibilité de cuisiner puisque la plupart des foyers et hôtels sont inaccessibles en journée). Quant aux adultes célibataires, ils sont rarement hébergés.
Au problème que pose le manque de places d’hébergement d’urgence pour la nuit, il faut ajouter celui de l’absence d’accueil de jour. Les chanceux qui ont le « privilège » de dormir à l’abri se retrouvent à la rue entre 8 h et 18 h et ce quelle que soit leur situation. Ainsi M X, dialysé 3 fois par semaine. Ainsi Mme Y, enceinte de 6 mois et demi, pour qui le corps médical craignait un accouchement prématuré et qui a dû attendre une semaine pour obtenir un accueil de jour en hôtel.
Des membres du corps médical ont fait connaître leur inquiétude, notamment pour ce qui concerne la santé des jeunes enfants, des femmes enceintes et d’adultes très malades. Idem du côté des travailleurs sociaux, désemparés face au manque de moyens pour remplir leurs missions.
Après l’expulsion du squat de Pacé (qui accueillait 250 personnes jusqu’en novembre dernier) des sommes énormes ont été gaspillées chaque jour en location d’hôtels ou de gîtes pour abriter quelques personnes, laissant bon nombre à la rue, alors que des bâtiments publics ou privés restaient inoccupés. Une loi existe pourtant pour les réquisitionner en cas de besoin. Outre le côté moral de la chose, cela permettrait de faire des économies substantielles mais cette loi n’est pas appliquée.
On nous explique qu’il est fondamental de construire, à coups de milliards, un nouvel aéroport dans notre région. C’est sûr, il n’y a aucun autre besoin vital préalable à satisfaire ...
Il ne s’agit même pas de débattre sur le « problème » de l’immigration (notons toutefois que bon nombre de ces personnes sont en situation tout à fait régulière) : ce dont il est question, aujourd’hui, c’est du respect des droits humains fondamentaux auxquels la France a souscrit par la signature de nombreuses conventions internationales et qui sont inscrits dans les principes constitutionnels de notre République. L’État n’assume plus ses obligations : protection des personnes et obligation de scolarisation.
Tout cela, Monsieur le Préfet ne peut l’ignorer : oser se satisfaire de cette situation relève d’un cynisme sans nom.
Pour terminer cette lettre de révolte, je dirai que, si la politique gouvernementale n’est pas radicalement changée, le pire me semble être devant nous. Aujourd’hui, une majorité de migrants à la rue mais demain, avec les fermetures d’entreprises en séries ? Aujourd’hui eux, demain nous ? On peut devenir très vite le plus pauvre de quelqu’un. Accepter une situation inadmissible pour autrui, c’est aussi l’accepter potentiellement pour soi et pour ses propres enfants. Quelle situation sociale et quelles valeurs morales allons-nous léguer aux générations futures si nous ne protestons pas aujourd’hui ? Liberté, égalité … fraternité ?!
Par ses actions et par ses déclarations, monsieur le Préfet d’Ille-et-Vilaine, représentant de l’État, contribue à bafouer les valeurs fondamentales de notre République.
Un minimum de conscience citoyenne exige d’y répondre.
Quant à mesdames et messieurs les Gouvernants, Ministres, Président et autres, je m’interroge : comment faites-vous pour dormir la nuit et vous regarder dans la glace le matin ?
Joëlle Couillandre, Amanlis, le 21/01/2013

dimanche 6 janvier 2013

Expulsion de l'ARS. Réaction à chaud d'une militante.

Rennes, dimanche 6 janvier.
Expulsion d'une réquisition.

Dehors, il ne fait pas vraiment froid. Juste un petit crachin breton qui pleure depuis des jours sur des nuits d'errance. Le froid qui les fait frissonner est à l'intérieur, là où s'emmagasine la fatigue des journées à marcher sans but dans la ville, en attendant la réouverture des portes du foyer. Le froid il est dans la mémoire des corps recroquevillés dans les halls de gare, d'hôpital, dans les stations de métro, les encoignures de portes. La glace, elle se niche dans les devantures de Noël inaccessibles aux enfants, dans le sourire des passants ingénus et inconscients.

File indienne, ombres dans la nuit. Silence ouaté de crainte. Est-ce que ça va marcher ?

Une porte, un couloir, des couloirs, encore des couloirs, des pièces, des escaliers, partout. « T'es où ? C'est par où qu'on est arrivés ? J'suis perdu ! ». Petit à petit, des rires fusent. C'est incroyable comme c'est immense. En plus, il y a de l'eau ! Et de l'électricité aussi ! Curieux : il fait pas froid, c'est peut-être chauffé ? « T'as pris quelle chambre toi ? ». « Le bureau du directeur ! Il y a même une porte capitonnée ! ».
Tout est propre, impeccable. Ça fait plus d'un an que c'est fermé. Bâtiment public, ancienne direction des services vétérinaires, DDASS, agence régionale de la santé ... Partis où ? Services supprimés ou éclatés, ici ou là, dans d'autres lieux, parfois loués à prix d'or par l'État dans le parc immobilier privé (privatiser les bénéfices, nationaliser les déficit).
Ici, la ventilation ne s'est jamais arrêtée et il reste 200 litres de fuel dans la cuve. Dehors des dizaines de personnes à la rue en plein hiver, parfois des bébés. Pas grave : « comme le changement c'est maintenant, on réfléchit ».

Enfin, pas que. « On » agit, aussi.

Pendant qu'au 7° ciel de la réquisition les sourires illuminent tous les visages, pendant qu'on s'embrasse pour fêter ça, pendant que les militants sortent les couvertures et les galettes des rois (« avec un doigt de café, s'il te plaît »), dehors les robots-cops s'activent, bergers allemands à l'appui (faut bien ça pour chasser les enfants).

Pas de ronds de jambes inutiles. L'opération communication de la préfecture est terminée, on va droit au but, avec les moyens adéquats. « Vous sortez immédiatement ». Pas le temps de prendre ses affaires. Matraque au collet. Les chiens sur les talons. Bousculades pour les plus lents et pour les militants qui essaient de prendre des photos. En 10 minutes s'est bouclé. « Toute façon, on les connaît bien leurs tronches ». « Leurs figures, Monsieur, leurs figures ».
On essaie de se recompter dehors, dans le noir. Il en manque deux. Deux militants.
Brusquement, on les voit apparaître, cernés par un groupe de ninjas. Des fois qu'ils soient super forts et super dangereux, deux précautions valant mieux qu'une, ils ont été menottés les mains dans le dos.

« C'est quoi cette démocratie ?! » lance un migrant.

C'est quoi ces gens, élus par le peuple sur des valeurs de justice sociale, de solidarité, d'humanité et qui commanditent ça ? Que faudra-t-il pour qu'il sortent de leurs dorures et de leurs compromissions ? La mort de froid d'un enfant dans la rue ?

Messieurs et Mesdames les gouvernants, en plus d'être des traîtres, vous êtes des hors-la-loi car la loi oblige l'État à la protection des personnes. Et dans mes livres de petite fille, on m'a appris que les hors-la-loi finissaient toujours par être punis.

J. militante Un Toit c'est Un Droit, texte écrit ce matin vers 5h.


dimanche 25 novembre 2012

250 DEMANDEURS D’ASILE ET SANS PAPIERS DONT 80 ENFANTS MENACES D’ETRE JETES A LA RUE.. UN KYSTE ?


Source : Médiapart


250 DEMANDEURS D’ASILE ET SANS PAPIERS DONT 80 ENFANTS MENACES D’ETRE JETES A LA RUE.. UN KYSTE ?

 A Rennes comme ailleurs, de nombreux migrants sont confrontés à des difficultés de logement dramatiques en ce début d'hiver. Les demandeurs d'asile, à qui les conventions européennes accordent pourtant un droit au logement, ne trouvent pas place dans les CADA. Les tentatives de la préfecture de les répartir sur les quatre départements bretons n'aboutissent qu'à les envoyer àla rue ailleurs. Viennentgrossir les rangs des sans-abris les très nombreux demandeurs d'asile placés sous statut Dublin 2, les demandeurs d'asile en procédure prioritaire venant des pays dits "sûrs", les déboutés du droits d'asile expulsés des CADA qui se retrouvent sans domicile quand ils ont la chance de ne pas être assignés à résidence, des Roumains européens de seconde zone, des Roms rejetés de partout et autres sans-papiers épuisés. Tout cepetit mondetente de survivre dans les rues de notre belle cité bretonne, aidés par quelques associations débordées. Des hommes, des femmes seules, des familles avec enfants, des femmes enceintes, des nouveaux-nés, des malades.
             Que peuvent-ils faire ? Ils se réfugient dans des squats, dont plusieurs appartiennent à la Ville de Rennes, qui les expulse sans scrupule à la veille de l'hiver,  alors qu'il n'y a aucun projet immédiat pour ces bâtiments. Des propositions de relogements ? 3 nuits d'hôtel généreusement octroyés, dont ils ne pourront même pas bénéficier, l'hôtelier ayant décidé que le "pédigrée" de ces gens ne lui convenait pas.
             A quelques kilomètres de là, dans la commune de Pacé, 250 autres migrants, dont 80 enfants, accompagnés par le DAL 35, se sont installés dans une ancienne maison de retraite désaffectée.  Mais la justice a décidé de leur expulsion à partir du 15 novembre. Et depuis cette date, ils vivent dans l'angoisse de cette menace d'expulsion mais dont nul ne juge utile de leur indiquer la date. Angoisse de se retrouver à la rue en plein hiver. Angoisse d'être confrontés à la police, pour ces exilés qui ont souvent de terribles souvenirs de la police de leur pays. Angoisse de perdre le mobilier qu'ils ont patiemment récupéré pendant ces six mois de squat. Angoisse de perdre, encore une fois, ce lieu de vie, où tout n'a certes pas été idyllique, où la vie quotidienne n'a pas toujours été simple, où la promiscuité a parfois crée des tensions, mais où cependant  ils ont pu se poser et se reposer, reconstruire une vie de famille, scolariser leurs enfants, oublier la vie au 115, si épuisante et si porteuse d'angoisse.
             Alors, même si un groupe d'identitaires bretons s'est élevé contre leur présence,  même si certains voisins les trouvent bien dérangeants, la population vient leur apporter son soutien. Le 7 novembre, 300 personnes, militants et habitants de la commune, sont venus au squat leur  dire leur solidarité. Dans la commune, un collectif de citoyens s'est formé pour réclamer leur relogement dans des conditions dignes et interpelle inlassablement les autorités. Et les professeurs et parents d'élèves d'un collège de Rennes appellent à un rassemblement samedi 24 novembre devant la mairie de Rennes. Des professeurs, révoltés de voir leurs élèves angoissés changer de comportement en classe ou ne plus venir de peur de ne plus retrouver leur famille le soir, téléphonent à la préfecture.
            Alors certes ils seront expulsés. Certes, malgré les déclaration de le préfecture qui déclare chercher des solutions de relogement ou au moins de "mise à l'abri", l'interminable attente se poursuit. Mais ils n'oublieront pas que des citoyens se sont mobilisés pour clamer qu' "un toit c'est un droit" pour tous et réclamer que les autorités prennent leur responsabilité sur cette lancinante question du logement des migrants.
 Armelle Bounya, RESF35,  DAL35