mardi 30 avril 2013

Lettre au Diocèse de Rennes

Suite à l'article paru sur Ouest-France.fr une militante d'Un Toit c'est un Droit s'exprime :


     Monseigneur D'ornellas

     Nous venons d'apprendre dans le journal Ouest-France que les migrants installés dans l'ancienne église Saint-Marc ne seraient pas expulsés. Nous en sommes sincèrement très touchés. Et rassurés, car s'il avait fallu partir, nous ne savons pas comment nous aurions pu les aider. " L’église doit remplir ses missions de solidarité habituelle. " Nous vous en remercions.

     " Le diocèse regrette, par ailleurs, les « méthodes employées » par le collectif Un Toit un droit ". Nous comprenons parfaitement vos réticences. Mais depuis le 12 janvier, nous avons multiplié les actions pour alerter sur la situation des personnes non-hébergées à Rennes. Le 12 janvier, nous avons manifesté devant
l'Hôtel-Dieu pour demander l'ouverture de ce lieu sans attendre les périodes de grand froid. Le 30 janvier, nous avons encore manifesté avec d'autres associations rennaises. Le 16 mars, nous avons brièvement occupé l'Eglise place Saint-Anne . Le 22 mars nous avons occupé le gymnase de l'école de l'Ille, et le 2 avril celui de l'école Léon Grimault. Du 10 avril au 19 avril, nous avons occupé une salle du centre social Carrefour 18, et du 19 au 25 mai une salle du Triangle. Pendant tout ce temps, personne ne s'est manifesté pour proposer une aide aux migrants. Pendant tout ce temps, l'église Saint Marc et ses dépendances étaient vides.

Nos méthodes ne sont certes pas les mêmes, mais nous savons que l'Eglise Catholique fait beaucoup pour aider les migrants, par l'intermédiaire du Secours Catholique. Les migrants que nous connaissons bien nous parlent avec beaucoup de gratitude de l'accueil qu'ils reçoivent dans les locaux de cette association. Nous
savons aussi que vous avez prêté le local de Saint-Marc à l'Etat pour héberger des sans-abris au cours de l'hiver. Vous affirmez que vous allez remplir vos missions de solidarité habituelle, et nous vous en remercions. Nous ne pensons absolument pas que vous ayez une obligation de solidarité plus grande que celle qui incombe à chacun de nous, et surtout à l'Etat ( Le mot fraternité au fronton de nos mairies devrait avoir un sens !) Au cours de l'hiver, nous avons nous-mêmes, et des dizaines de familles non-catholiques ont accueilli des migrants, donné sans compter notre temps, notre énergie, notre argent, comme de nombreux Chrétiens. En occupant l'église Saint-Marc, nous ne nous adressons pas particulièrement à l'Eglise, nous occupons un bâtiment vide. Au cours des semaines passées, nous avons occupé, ou tenté d'occuper, le bâtiment de l'ARS, qui appartient à l'Etat, la cité universitaire de l'Ecole d'Agriculture, deux gymnases qui appartiennent à la Ville de Rennes, un centre social, un centre culturel, une maison à Saint-Jacques de la Lande qui appartient à Rennes Métropole.

     Mais l'article de journal vous prête ces paroles : "On est aussi vigilant sur l’utilisation politique des migrants par l’association, alors que c’est un combat qui les dépasse ", nous sommes un peu surpris. Certes, il n'est pas facile d'expliquer les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités locales à des migrants qui viennent d'arriver, qui ne parlent pas français. Et dès que nous arrivons à avoir quelques mots en commun, ou dès que nous avons des interprètes, ils posent des questions sur la législation, sur l'organisation administrative française...
     Et ils comprennent tous très bien l'obligation qui est faite à l'Etat de trouver de façon " inconditionnelle et immédiate" à « toute personne sans abri en situation à un dispositif d'hébergement d'urgence ». Et ils savent, mieux que personne, la violence que représentent des semaines voire des mois de vie au 115, avec ses
déménagements incessants, ses journées d'errance en attendant l'heure de rejoindre son accueil de nuit, l'angoisse terrible des jours sans solution. Violence imposée par
les autorités qui ne respectent pas la loi, la constitution et les conventions internationales, qui pourtant s’appliquent sans équivoque !
     Notre association n'a aucune visée politique. Parmi les adhérents, les appartenances politiques, syndicales, religieuses, sont très diverses. Mais bien sûr, notre combat est politique, en ce sens que la solution à ce problème d'hébergement, et de l'accueil des migrants en général, doit évidemment venir des autorités , Etat, Collectivités Locales, et non de la solidarité républicaine ou catholique.
     Quand ils ont appris que vous ne demanderiez pas leur expulsion, ils en ont été très soulagés, et très reconnaissants. Le répit qu'ils vont trouver dans ce lieu, pour poser leurs bagages, se retrouver en famille, s'installer un petit coin d'intimité, reprendre l'habitude de se préparer des repas... sera pour eux précieux, même s'il n'est que momentané, et ils sauront vous l'exprimer.
     Souhaitant trouver un terrain d'entente au service des migrants sans hébergement, nous vous prions d'agréer, monseigneur d’Ornellas, l'expression de notre considération respectueuse.

Armelle Bounya

2 commentaires:

  1. très bien Armelle
    Thierry

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  2. "Bravo et merci pour votre lettre à l'archevêque de Rennes. Je la signe intégralement. Enfin un évêque français accueille, pas tout-à-fait volontairement, des migrants. Je salue le fait qu'il ne désire pas les faire expulser. Mais quand donc nos évêques auront le courage de dénoncer toutes ces injustices, tous ces manquent de respect à nos frères et soeurs migrants ? Ils dénoncent le mariage pour tous, mais le refus des sans papiers, des sans travail, des sans salaire, des sans logement etc. ne semble pas les concerner.".

    Roger DEGRELLE, prêtre catholique du diocèse de Nancy.

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