Après la rafle de 600 migrants à Calais le 2 juillet, 200 exilés
en demande de protection ont été
enfermés dans des centres de rétention en France.
19 migrants érythréens et soudanais ont été placés au CRA de
Rennes. Après 4 jours d'enfermement, ils ont été libérés par la préfecture du
Pas de Calais avant d'être présenté devant le JLD. Ainsi pas de trace d'une
procédure bâclée qui méprise la loi et les hommes et des violences policières.
A la sortie du CRA, les exilés de Calais ont été pris en
charge à la sortie du CRA par des militants qui les ont conduit dans un local
mis à disposition par le Parti de Gauche. Ils y ont passé la nuit avant leur
présentation devant le TA pour contester leurs OQTF.
Compte-rendu "personnel'" de l'audience
devant le TA par X. , militant du Collectif sans-pap de Rennes, morceaux
choisis:
Pas moins de
4 avocat-e-s se sont succédé pour plaider les 19 dossiers, qui ont occupé près
de 3 heures d’audience. Les migrants sont passés par « paquets » de 2
à 6, en fonction des avocat-e-s, des pays d’origine, des situations. La juge
administrative était particulièrement attentive et soucieuse de donner la
parole aux migrants. Elle a décidé de prendre le temps de répondre sur les
requêtes si bien que ses décisions ne tomberont que dans les jours à venir.
Petit voyage
donc en Etat de droit(e) car, Etat de droit oblige, il fallait bien appuyer
juridiquement la rafle et la mise en rétention arbitraire de ces centaines de
migrants par notre état stationnaire de droite. Petit voyage qui permet de
comprendre comment le « socialisme » contribue activement à la
décomposition de toute confiance dans le Droit, cette vague institution qui a
pu – un temps – nous bercer dans l’illusion de l’égalité (face à la loi).
Lors de leur
rafle, les 19 migrants, ont tous été présentés à la police du Nord Pas de
Calais et ont eu « droit » à une audition qui a systématiquement
débouché sur la délivrance d’une OQTF et sur la mise en rétention. Ce matin,
pour se défendre face aux recours des 19 migrants, la préfecture n’était pas
représentée, n’a envoyé aucun mémoire en défense et s’est contentée de faire
parvenir les PV d’audition policière ainsi que quelques vagues
« preuves » assez éloignées de la conception que l’on peut avoir d’un
travail préparé. Cette absence de préparation en dit déjà long sur le détournement
de procédure qu’ont constitué la délivrance d’OQTF et la mise en rétention pour
justifier la rafle et la dispersion géographique de ce que nous appelons, nous
à gauche, des êtres humains.
Les 4
avocat-e-s ont pu alors s’en donner à cœur joie pour démonter
consciencieusement tout le pseudo arsenal juridique utilisé par le Pouvoir
rafleur. Les 4 ont attaqué la délivrance d’OQTF, les pays de renvoi, la mise en
rétention. Et là festival d’arguments !
OQTF
stéréotypées car pré rédigées avec mentions inutiles à rayer !
PV
d’audition à charge qui négligeaient largement la trajectoire des migrants pour
en venir au plus vite à la question de l’accord pour le retour et du droit
préfectoral de délivrer des OQTF et d’enfermer en centre de rétention.
Absence de
motivation des OQTF, voire de graves erreurs de motivation.
Absence
d’examen de la situation personnelle de chaque migrant, comme le révèle la
durée des auditions pour chacun (5 minutes !!!). Rien ou presque sur les
motifs personnels, sur les persécutions, sur la vie privée et familiale, voire
sur la date d’entrée en France. C’est vrai, c’est chiant à demander et à écrire
mais c’est un droit des migrant-e-s de « raconter » cela avant qu’une
décision ne soit prise !
Pour les
migrants arrivés en France depuis quelques jours à peine, négligence totale du
fait qu’ils souhaitent demander l’asile ou que la demande d’asile ne se fait
pas sans avoir réglé deux ou trois trucs matériels (domiciliation, hébergement,
nourriture, informations pour s’orienter).
Arrivée
tardive des interprètes (au moment de la signature des PV d’auditions mais pas
pendant leur déroulement) et des interprètes en anglais seulement.
Érythrée et
Soudan désignés comme pays de renvoi…comme s’il s’agissait de simples
destinations touristiques…
Article 3 et
article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme systématiquement
cités comme n’ayant pas été violés, ce qui revient à dire que la préfecture a
bien appris à se torcher avec cette convention lors des rafles !
Violation de
l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui
proclame « le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure
individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son
encontre », autrement dit le droit de toute personne de faire des
observations orales ou écrites face à ce qui lui arrive de négatif. Ce qui
suppose plus de 5 minutes…
Ce festival
concernait les 19 migrants mais plusieurs avaient en plus une histoire
singulière qui en disait long sur le rapport au droit de la préfecture 62.
L’un était
convoqué le 3 juillet à la préfecture pour déposer sa demande d’asile et il
avait une convocation écrite ! Rien à foutre, OQTF quand même ! Et
rétention quand même !
Deux autres
avaient déjà une OQTF délivrée à la mi-juin mais avec un délai de 30
jours pour quitter le territoire. Rien à foutre, en rétention quand
même !
Deux autres
avaient un papier attestant qu’ils devaient rencontrer à Calais l’association
chargée de leur expliquer les démarches d’asile. Rien à foutre, OQTF quand
même !
Un autre
était mineur mais rien à foutre, démarche d’expulsion et en rétention quand
même !
Plusieurs
avaient dans leur PV d’audition quelques éléments concernant leurs motifs de
départ et les persécutions subies. On s’attend alors à trouver dans le PV une
explicitation des démarches à faire en vue de demander l’asile. Mais non, la
présentation des horreurs vécues est aussitôt suivie de la question sur l’accord
pour le retour et sur la connaissance du droit préfectoral de délivrer une OQTF
et d’enfermer. Le droit d’asile, rien à foutre aussi !
Voilà où on
est dans un pays qui ose mettre en place un contrat d’accueil et d’intégration
sur les valeurs républicaines avant de permettre à un-e étranger-e non UE de
s’installer en France.
Le plus fou
était de voir ces 19 migrants d’une vingtaine d’années, sans doute perdus car
récemment arrivés en France et ne parlant pas français, déjà violentés dans
leur parcours d’exil, maltraités depuis qu’ils sont arrivés en France, raflés,
enfermés de manière arbitraire, libérés sans comprendre, etc., en train de
demander à la France de les accueillir, même en prison car ce sera moins pire
que là-bas…
Sur ces 19
migrants, 14 sont repartis pour Calais ce soir.
A la sortie du TA, les
5 soudanais qui ont choisi de rester à Rennes souhaitent "bonne
chance" à ceux qui repartent pour Calais.
Les exilés de Calais restés à Rennes ont été pris en charge
par les militants de "Un toit, c'est un droit".
http://www.rennes.maville.com/actu/actudet_-rennes-19-migrants-de-calais-devant-le-tribunal-administratif_fil-2582559_actu.Htm
http://www.rennes.maville.com/actu/actudet_-rennes-19-migrants-de-calais-devant-le-tribunal-administratif_fil-2582559_actu.Htm
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