mardi 7 juillet 2009

Le droit au logement opposable

Introduction
L'adjectif « opposable », dans son sens juridique, est apparu en 1845. Il signifie : « que l'on peut faire valoir contre autrui ». La revendication d'un droit au logement opposable a remplacé à partir de 2003 dans le discours politique celle d'une « Couverture logement universelle », prônée en 2001 par le Conseil national de l'habitat. Le droit au logement opposable permettrait aux personnes sans domicile de recourir auprès des autorités pour le faire appliquer, de manière d'abord amiable, puis juridictionnelle.
L'expression est apparue en 2002 dans un rapport du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, qui proposait de créer « une obligation de résultat juridiquement opposable » pour le droit au logement.

Loi n° 2007-290 dite « DALO » du 5 mars 2007 instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Les principales dispositions de la loi "DALO"
La loi désigne l’Etat comme le garant du droit au logement. La mise en œuvre de cette garantie s’appuie sur un recours amiable et un recours contentieux.
Le recours amiable s’exerce devant une commission de médiation départementale qui, si elle juge la demande de logement urgente et prioritaire, demande au préfet de procurer un logement sur le contingent préfectoral.
Si, malgré l’avis de la commission, le relogement n’a pas lieu, le demandeur peut engager un recours devant une juridiction administrative et l’État pourra être condamné à payer une astreinte.Ce recours contentieux est ouvert aux demandeurs prioritaires (personnes sans logement, menacées d’expulsion sans relogement, hébergés temporairement, etc.) au 1er décembre 2008. Il sera étendu, à partir du 1er janvier 2012, à tous les demandeurs de logement social qui n’ont pas reçu de réponse à leur demande après un délai anormalement long.
La loi reconnaît par ailleurs aux personnes accueillies dans un hébergement d’urgence le droit d’y rester jusqu’à ce qu’il leur soit proposé une place en hébergement stable ou un logement adapté à leur situation. Elle prévoit également la création d’un comité de suivi chargé d’évaluer la mise en oeuvre du droit au logement.
Les autres dispositions de la loi "DALO" visent principalement à développer l’offre d’hébergements et de logements. Sont notamment prévus : l’augmentation du nombre de logements sociaux à construire sur la période 2005-2009 dans le cadre de la loi de cohésion sociale : il passe de 500 000 à 591 000, afin de rééquilibrer l’offre au profit des logements « très sociaux », l’augmentation des objectifs d’accroissement des capacités d’hébergement figurant dans la loi de cohésion sociale : il s’agit notamment de transformer 10 500 places d’hébergement d’urgence en places d’hébergement de stabilisation ou places de centres d’hébergement et de réinsertion sociale. le renforcement des obligations fixées aux communes et groupements intercommunaux en matière de création de places d’hébergement d’urgence, l’extension de l’obligation de 20% de logements sociaux, représentant quelque 250 communes de plus.

Les réactions et interrogations
Pour le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, il est indispensable que le comité de suivi se saisisse de certains points laissés en suspens par le texte de la loi. Il recommande tout d’abord de définir les responsabilités des collectivités territoriales afin que le développement de l’offre de logements sociaux soit harmonieusement réparti entre les communes et permette la mixité sociale. Il précise qu’un « traitement spécifique devra être accordé à l’Ile de France, qui connait une crise particulièrement lourde du fait de l’absence d’une autorité en capacité de mettre en œuvre une politique d’agglomération ». Estimant par ailleurs que le contingent préfectoral ne pourra suffire à répondre aux demandes prioritaires de logement, il suggère de développer les conventions passées avec les propriétaires privés et les dispositifs de réhabilitation de l’habitat. Enfin, il souligne que la mise en œuvre du droit au logement « nécessitera une revalorisation de l’effort de la collectivité en faveur du logement ».
Certaines associations d’aide aux sans abris contestent la portée de la loi. Considérant que le recours au contingent préfectoral ne pourra suffire, elles appellent à la mise à disposition de logements et de locaux publics ou semi-publics et à la réquisition des logements vides, rendue possible par une ordonnance de 1945 et confirmée par la loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions.
Elles déplorent d’autre part que la loi ne modifie en rien les procédures d’expulsions locatives et considèrent que la prévention des expulsions constitue le volet manquant de la loi. Dans son rapport « Les personnes sans domicile » (mars 2007), la Cour des comptes, après avoir souligné que la perte du logement est un facteur clé dans « les ruptures qui conduisent à la rue », avait constaté le mauvais fonctionnement du dispositif de prévention des expulsions et avait regretté qu’il n’en existe aucun concernant le parc privé.

L’avis des avocats sur le droit au logement opposable :
Maître Eolas :
Extrait du blog (3 janvier 2007) : http://www.maitre-eolas.fr/2007/01/03/505-le-droit-au-logement-opposable-ou-de-l-art-de-prendre-l-electeur-non-juriste-pour-un-benet
« les conditions prévues par la loi permettant d'obtenir ce logement restent à définir. Que la procédure d'indemnisation devant le tribunal administratif prend des années (dans 15 jours, un tribunal administratif va examiner une requête que j'ai déposée début 2004) pour des sommes misérables (la mort d'un enfant de 10 ans est indemnisée quelques milliers d'euros, alors le fait de ne pas avoir trouvé un logement, je vous laisse imaginer). Et surtout que la loi ne permet pas de créer des logements là où il n'y en a pas. Bref, des demandes aboutissant à une indemnisation effectives seront rarissimes, en supposant qu'il y en ait un jour. »

Maître Rollin :
Extraits du blog : http://frederic-rolin.blogspirit.com/droit_au_logement/
« ce texte ne crée pas un droit supposé « opposable » au logement.
Pourquoi ?

- Il crée un droit de recours qui est soumis à des conditions telles qu’il est impraticable : il faut d’abord faire une demande auprès d’une commission, qui décide (sans qu’aucun délai ne lui soit imposé) de classer la demande comme « prioritaire » ou non. Si elle décide que la demande n’est pas prioritaire, alors le juge ne peut pas être saisi.

Autrement dit, le droit de saisir le juge est conditionné par une décision administrative initiale qui elle n’est contestable que dans les formes du droit commun (cela signifie un nouveau délai et une nouvelle procédure !).

- Le dispositif d’astreinte institué conduit au reversement des sommes payées par l’Etat ou les communes dans un fond public. Pour faire simple, ces collectivités se verseront donc de l’argent à elle-même. Comment peut-on croire au caractère incitatif d’un tel dispositif ?

– Ensuite le droit ouvert n’est pas celui d’obtenir un logement mais « un logement ou un placement en structure adaptée », terme qui n’est pas défini mais qui vise clairement les foyers ou les hôtels meublés. Autrement dit, on ne va rien donner d’autres aux mal logés que ce dont ils bénéficient déjà actuellement. »

« Vous voulez un droit au logement, vous avez un droit au procès. Voilà comment on pourrait résumer le dispositif envisagé.
Or, pour avoir un peu travaillé sur l’aide juridictionnelle, je dois souligner que la population bénéficiaire de l’AJ est souvent peu à même de faire valoir ses droits. S’agissant de personnes sans domicile, les difficultés sont encore plus grandes : désocialisation, défaut d’adresse, incapacité à structurer une demande juridiquement. Dès lors, dans les cadres actuels du contentieux administratif et de l’aide juridictionnelle, je soupçonne qu’il y aura peu de recours, tout simplement parce que l’idée que c’est la justice qui va permettre de trouver un toit est une idée incohérente, aussi bien en terme de délais que de procédures
Autrement dit encore, ce droit supposé "opposable" parce que susceptible d'être invoqué devant un juge relève sans doute plus du gadget que de la mesure efficace.

Conclusion.
De tout cela il ressort selon moi que le projet actuellement envisagé fait fausse route sur des points majeurs.
Pour l’améliorer il conviendrait donc de mettre d’explorer les pistes suivantes :
1) distinguer le logement des sans abris de celui des mal logés, pas seulement en termes de délais (2008 ou 2012)mais aussi de procédure ;
2) accepter des critères « larges » pour la définition du « sans abri » afin de ne pas laisser des personnes à la rue motif pris qu’elle sont sans papiers.
3) remplacer le droit d’agir en justice par une pénalité automatique (c’est juridiquement possible) mise à la charge de la collectivité publique (de l’Etat si c’est lui qui est responsable) dès lors que sera écoulé un délai déterminé (1 ou 2 mois par exemple) à partir de la demande de logement.
4) profiter de l’examen du texte sur les « class action » pour permettre aux associations de « représenter » en justice les mal logés.

Mise à jour : J'invite mes lecteurs à consulter la remarquable note de Verel qui donne évidemment la vraie réponse à la question : on ne pourra lutter contre le problème du mal-logement qu'en construisant des logements. Les statistiques et les analyses économiques qu'il expose sont une source d'information très utile et très complète. »

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